Les formes de licenciement

Le licenciement pour faute grave

Le licenciement pour motif personnel est inhérent à la personne du salarié. Pour être valable, ce licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Parmi les multiples licenciements, existe le licenciement disciplinaire. Ce dernier doit être fondé sur une faute simple, une faute grave, ou une faute lourde.

Concernant le licenciement pour faute grave, plusieurs règles s’appliquent, d’abord sur la définition même de la faute grave (I), ensuite sur la prescription des faits fautifs à l’appui du licenciement (II), et enfin sur les conséquences du licenciement pour faute grave (III).

Définition de la faute grave

La faute grave n’est pas définie par le Code du travail mais plutôt par les tribunaux :

  • La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de fait imputable au salarié
  • Le ou les faits incriminés constitue(nt) une violation d’une obligation découlant du contrat de travail ou d’un manquement à la discipline de l’entreprise ; ainsi, un fait extérieur à l’entreprise, en dehors des horaires de travail, ne peut constituer une faute grave ;
  • La faute grave rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ;
  • Les faits invoqués doivent être précis et matériellement vérifiables.

La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.

La gravité de la faute est appréciée en fonction des critères suivants :

  • Les circonstances
  • La nature des agissements
  • Le caractère isolé ou répété
  • Les éventuels manquements antérieurs
  • L’existence ou non de mises en garde ou de précédentes sanctions
  • Les conséquences des agissements pour l’employeur ou les autres salariés
  • L’ancienneté du salarié
  • Les fonctions exercées et le niveau de responsabilité dans l’entreprise du salarié
  • Le motif invoqué pour refuser des changements de conditions de travail
  • L’attitude de l’employeur avant la rupture du contrat de travail, qui peut, dans certains cas, expliquer, excuser ou atténuer celle du salarié

L’appréciation de la gravité d’une faute peut varier selon le contexte, les points de repère précités, ou la tolérance antérieure de l’employeur.

De manière générale, les faits fautifs les plus souvent invoqués à l’appui d’un licenciement pour faute grave sont :

  • Les absences injustifiées, les retards répétés
  • Les violences, les insultes, les menaces
  • La malhonnêteté, les détournements, les vols
  • Les harcèlements (moral, sexuel) et comportements incorrects
  • Les critiques, le dénigrement, les dénonciations calomnieuses ou mensongères, l’abus de la liberté d’expression
  • Les indiscrétions, les négligences
  • L’indiscipline, l’insubordination
  • Les technologies de l’information et de la communication (TIC) (connexions, réseaux sociaux)
  • Le manquement à l’obligation de loyauté
  • Le mensonge, le dol, la dissimulation
  • Les infractions aux règles d’hygiène et de sécurité

Ces faits constitueront ou non une faute grave en fonction des circonstances. Ainsi, il a été jugé qu’un harcèlement moral avéré ne constitue par forcément une faute grave empêchant l’exécution du préavis.

Prescription de la faute grave

Les faits fautifs sont soumis à un délai de prescription de deux mois pour l’engagement de poursuites disciplinaires à l’encontre d’un salarié fautif. Passé ce délai, l’employeur ne peut plus le sanctionner.

Selon ce même article, ce délai court « à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance […] », c’est-à-dire au moment où l’employeur prend connaissance de l’information exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.

Il revient à l’employeur de rapporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance des faits.

Il reste cependant possible pour l’employeur d’évoquer des faits datant de plus de deux mois non encore sanctionnés pour justifier de la gravité d’un fait, objet principal du licenciement qui, lui, date de moins de deux mois.

Conséquences de la faute grave

La faute grave rendant le maintien du salarié dans l’entreprise impossible, le prononcé du licenciement n’a pas à respecter un préavis, sauf dispositions contractuelles ou conventionnelles plus favorables.

Dès lors en principe, aucune indemnité compensatrice de préavis n’est due au salarié licencié pour faute grave.

De plus, le salarié perd son droit à l’indemnité de licenciement.

En revanche, le salarié a droit à l’indemnité de congés payés pour la période de référence en cours. En effet, l’indemnité de congés payés est due quel que soit le motif du licenciement.

Enfin et contrairement à une idée encore bien souvent répandue, le licenciement pour faute grave ne prive pas le salarié de son droit à l’assurance chômage (« allocation d’aide au retour à l’emploi » de Pôle emploi). En effet, en vertu des articles L. 5422-1 et L. 5422-20 du Code du travail qui renvoient aux dispositions du décret n°2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage :
« § 1er – Ont droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi les salariés dont la perte d’emploi est involontaire. Remplissent cette condition les salariés dont la perte d’emploi résulte : – d’un licenciement ; […] »
Ainsi aucune mention règlementaire n’exclue un licenciement en particulier pour accéder au droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi.
S’agissant des conditions d’attribution du chômage (durée d’affiliation, inscription à Pôle emploi etc.), il convient de se reporter aux dispositions du décret précité ou de se rapprocher du Pôle emploi le plus proche du domicile du salarié.

Le licenciement pour inaptitude

Les articles L. 1226-2 (inaptitude consécutive à une maladie ou accident non professionnel) et L. 1226-10 (inaptitude consécutive à une maladie ou accident professionnel) du code du travail prévoient que :

« Lorsque […] le salarié […] est déclaré inapte par le médecin du travail […] à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. […]
Cette proposition prend en compte, après avis [du comité social et économique lorsqu’il existe [ou] des délégués du personnel], les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités [ou l’aptitude] du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. […]
L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, [aménagements, adaptations ou] transformations de postes [existants] ou aménagement du temps de travail. »

Procédure de reclassement du salarié inapte

  1. Avis préalable obligatoire du CSE (ou ex-délégués du personnel)

L’employeur doit consulter au préalable le comité social et économique (CSE), s’il existe, afin de recueillir son avis sur le reclassement du salarié inapte. L’avis vise à concevoir le cadre de l’élaboration d’une proposition de reclassement.

L’avis du CSE intervient postérieurement à l’avis médial constatant l’inaptitude et avant la proposition de poste approprié aux capacités du salarié (Cass. soc., 15 octobre 2002, n° 99-44.623, publié ; Cass. soc., 25 mars 2015, n° 13-28.229, publié). À défaut de respecter ces exigences, le licenciement pour inaptitude serait déclaré sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 28 octobre 2009, n° 08-42.804, publié) et un risque de délit d’entrave pèserait sur l’employeur.

Ce dernier devra fournir aux représentants du personnel des informations complètes (sur le poste du salarié, son inaptitude etc.) pour que l’avis soit éclairé et pris en connaissance de cause (Cass. soc., 13 juillet 2004, n° 02-41.046, publié ; Cass. soc., 26 janvier 2011, n° 09-72.284).

  1. Étendue de l’obligation de reclassement

Qu’il s’agisse d’une inaptitude consécutive à une maladie ou accident non professionnel (article L1226-2 du code du travail) ou d’une inaptitude consécutive à une maladie ou accident professionnel (article L1226-10 du code du travail), le reclassement doit être proposé :

– Dans un emploi approprié aux capacités du salarié, tenant compte des conclusions écrites du médecin et indications formulées (Cass. soc., 28 janvier 2004, n° 01-46.442, publié). L’employeur doit même ici solliciter les propositions du médecin qui ne les aurait faites (Cass. soc., 24 avril 2001, n° 97-44.104) ;

– L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé (au moyen éventuellement de formation, mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail), mais à défaut il peut aussi proposer des postes de catégorie inférieure (Cass. soc., 27 octobre 1998, n° 96-42.843), des CDD (Cass. soc., 5 mars 2014, n° 12-24.456) ;

– Au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe (c’est-à-dire dans chaque établissement de l’entreprise situés sur le territoire national).

L’employeur devra leur formuler des demandes de propositions de postes claires et complètes afin d’exposer au mieux la situation du salarié inapte, puis attendre un retour justifié des entreprises du groupe. Toutefois, il convient de préciser ici que le salarié peut s’opposer par exemple à toute proposition de reclassement hors de son secteur d’habitation ou dans une autre entreprise du groupe ; dans ce cas, l’employeur pourra restreindre son périmètre de recherche de reclassement en fonction de la position exprimée par le salarié inapte (Cass. soc., 23 novembre 2016, n° 15-18.092).

L’employeur doit justifier les motifs qui s’opposent au reclassement et les faire connaître par écrit au salarié (articles L1226-2-1 et L1226-12 du code du travail), le défaut à cette obligation, qui doit être remplie avant que ne soit engagée la procédure de licenciement, « entraîne pour le salarié un préjudice réparé par l’allocation de dommages-intérêts dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond. » (Cass. soc., 28 mai 2014, n° 13-11.868).

La charge de la preuve de l’impossibilité de reclassement repose sur l’employeur (Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-47.686, publié). Il doit notamment caractériser l’impossibilité de mettre en œuvre des mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail (Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-26.793, publié).

  1. Exonération de l’obligation de reclassement

Selon les articles L. 1226-2-1 (accident ou maladie non professionnel) et L. 1226-12 (accident ou maladie professionnel) du code du travail, si le médecin du travail mentionne expressément que :

– « Tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé »
ou
– « L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi »

Alors l’employeur n’est plus tenu, en principe, par l’obligation de recherche de reclassement pour le salarié inapte.

Toutefois, en l’absence de jurisprudence claire à ce sujet et compte tenu de l’étendue de l’obligation de reclassement, il est préférable pour l’employeur de s’assurer auprès du médecin que son avis médical vise toutes les situations éventuelles (adaptation, mutation, autre entreprise du groupe etc.) et que la recherche d’un reclassement est vaine, l’employeur en étant dispensé.

  1. Délai de l’obligation de reclassement

En théorie, l’employeur dispose d’un mois pour remplir son obligation de recherche de reclassement à compter de l’avis d’inaptitude. Car passé ce délai et si le salarié n’est pas licencié, l’employeur doit reprendre le versement de son salaire antérieur à la suspension de son contrat (articles L. 1224-4 et L. 1226-11 du code du travail).

La recherche de reclassement se poursuit donc au-delà du délai d’un mois tant que le salarié inapte n’est pas reclassé ou licencié.

Conséquences de l’obligation de reclassement

1) Le salarié peut accepter une proposition de reclassement. Dans ce cas, aucun licenciement n’aura lieu puisque la relation contractuelle se poursuit.

2) Le salarié déclaré inapte avec impossibilité totale de reclassement (mentions exonératoires du médecin du travail supra : employeur dispensé de son obligation de reclassement), peut être licencié pour inaptitude, ce qui lui donne droit :

– En cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle (article L1226-6 et suivants du code du travail) : à une indemnité compensatrice de préavis et une indemnité spéciale de licenciement d’un montant au moins égal au double de l’indemnité légale de licenciement sauf dispositions conventionnelles plus favorables (article L1226-14 du code du travail).

– En cas de licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle (article L1226-2 et suivants du code du travail) : une indemnité compensatrice de préavis conventionnelle le cas échéant. Toutefois, même sans dispositions conventionnelles plus favorables, la durée du préavis non effectué sera prise en compte pour déterminer l’ancienneté acquise au jour de la rupture pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement (article L1226-4 du code du travail).

– En tout état de cause (qu’importe l’origine du licenciement pour inaptitude) : une indemnité de licenciement (légale ou conventionnelle) (article L1234-9 du code du travail) et une indemnité de congés payés (article L3141-28 du code du travail). Et si le salarié en remplit les conditions d’attribution, l’allocation d’aide au retour à l’emploi de Pôle emploi (décret n°2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage).

3) Le salarié peut aussi refuser toutes les propositions de reclassement ou modifications de son contrat de travail relatives à ces propositions, ou toute proposition qui ne correspondrait pas aux prescriptions médicales.

Dans ce dernier cas, soit le refus est légitime (le poste proposé ne correspond pas aux prescriptions médicales, ou la modification du contrat de travail est trop importante telle qu’une baisse de la rémunération), soit il est abusif (alors que la proposition est adaptée et comparable à l’emploi précédent, ou en cas de refus systématique de toutes les propositions par le salarié).

Si le refus du salarié est légitime et que l’employeur n’a pas pu reclasser le salarié, alors il peut procéder à son licenciement pour inaptitude (cf. 2) pour les indemnités).

Si le refus du salarié est abusif, l’indemnité spéciale du licenciement pour inaptitude professionnelle et l’indemnité de préavis ne seront pas dues.

En tout état de cause, si l’employeur manque à son obligation de reclassement (recherches insuffisantes, injustifiées, absence ou insuffisance de consultation du CSE ou ex-délégués du personnel), les sanctions qu’encoure l’employeur diffèrent selon l’origine de l’inaptitude :

– En cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle (article L. 1226-6 et suivants du code du travail), celui-ci sera déclaré sans cause réelle et sérieuse. Le juge pourra proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, mais en cas de refus (par le salarié ou l’employeur), une indemnité, qui ne peut être inférieure à 6 mois de salaires, sera octroyée au salarié (article L. 1226-15 du code du travail) et se cumulera avec l’indemnité compensatrice et l’indemnité spéciale de licenciement.

– En cas de licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle (article L. 1226-2 et suivants du code du travail), celui-ci sera déclaré sans cause réelle et sérieuse. Aucune sanction spécifique n’est prévue, ainsi le salarié aura droit à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue à l’article L. 1235-3 du code du travail.